Documents publics pour servir à l'histoire de la guerre de 1870-71. II, Armée de Metz : 1870 / par le général Deligny (2024)

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Titre : Documents publics pour servir à l'histoire de la guerre de 1870-71. II, Armée de Metz : 1870 / par le général Deligny

Auteur : Deligny, Édouard Jean Étienne (1815-1902). Auteur du texte

Éditeur : A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie (Paris)

Date d'édition : 1871

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb437951891

Relation : Titre d'ensemble : Documents publics pour servir à l'histoire de la guerre de 1870-71

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34085310x

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (82 p.) ; in-18

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Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k63653643

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LH4-695 (2)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 25/10/2012

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DOCUMENTS PUBLICS POUR SERVIR A L'HISTCIRE DE LA GUERRE DE 1870-1871 II

1870

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1870

ARMÉE DE METZ

PAIIÎS. TYPOGRAPHIE ALCAN-LKVV, RUE LAFAYETTE. Cl.

DOCUMENTS PUBLICS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA GUERRE DE 1870-1871 II

1870

ARMÉE DE METZ

PAR LE

GÉNÉRAL DELIGNY

PARIS LIBRAIRIE INTERNATIONALE A. LACROIX, VERBOECItHOVEN et Cie, Éditeurs 13, faubourg Montmartre, et 15, boulevard Montmartre Même maison à Bruxelles, à Leipzig et à Livourne

1871

PRÉFACE

Actuellement, qu'un peu reposé des douloureuses émotions qui nous ont assailli, tant au milieu qu'à la suite de nos malheurs, et que la condition qui nous est faite nous donne le loisir de nous recueillir, il nous semble opportun et même nécessaire de rappeler et de transcrire les impressions que nous éprouvions, pendant que se déroulait sous nos yeux le triste drame fatalement dénoué par la capitulation de Metz, et de faire connaître notre sentiment sur la part de responsabilité qui incombe aux personnages appelés par leur position à y remplir les principaux rôles.

Cette nécessité de parler résulte, pour nous, de la conviction que le mutisme des témoins, dans

une affaire d'une aussi grande importance, implique une sorte de complicité morale.

C'est d'ailleurs un devoir qui s'impose à chacun, lorsqu'une grande cause est appelée devant l'opinion publique, de veiller à ce que celle-ci ne s'égare pas.

Dans le cas présent, notre propre intérêt, celui d'un grand nombre de nos amis et de nos frères d'armes, et aussi le soin de notre dignité, se concilient avec ce devoir.

- Nous nous présentons donc en personne à ces grandes assises.

Celui qui écrit ces lignes n'est animé d'aucun sentiment de haine ni de rancune ; il saurait, au besoin, s'élever au-dessus de la passion et des plus légitimes susceptibilités; mais ce n'est pas son cas actuel. Il supporte l'adversité avec le calme que donnent une conscience tranquille et la conviction d'avoir rempli, en tout lieu et à toute heure, ses obligations, dans la limite la plus extrême de ses forces et de ses moyens.

N'ayant jamais eu de rapports bien intimes avec le Maréchal Bazaine, il ne s'est jamais éloigné de lui de parti pris, et il a toujours eu à se louer de l'obligeance et de la bienveillance du Maréchal, chaque fois qu'il a eu à y recourir.

Pendant le cours de sa longue carrière, il s'est

accoutumé à professer du respect et de l'estime pour le caractère et la valeur des deux maréchaux et des généraux qui se partageaient les commandements à l'armée du Rhin.

Sous le bénéfice de ces déclarations, il usera de ,.

son entière liberté de parler. Il n'apportera pas à l'appui de son opinion un dossier de pièces officielles, car il ne se propose pas de faire un réquitoire ; il dira tout simplement ce qu'il pense des hommes et des choses ; il le fera de bonne foi, avec la plus grande sincérité ; les intéressés pourront redresser les erreurs ou les appréciations qui leur paraîtront erronées : 'ce sera de la lumière introduite dans un milieu très obscur. Mais, dans l'état actuel de la question, il demeure convaincu que tous les officiers qui faisaient partie de l'armée du Rhin, à de rares exceptions près, retrouveront ici leurs propres impressions et la reproduction très mitigée du jugement qu'ils portent sur les hommes et sur les faits qui ont déterminé la catastrophe dont ils ont été les innocentes victimes.

Munster, le 12 décembre 1870.

Général DELIGNY.

1

Lorsque l'empereur confia au Maréchal Bazaine le commandement de l'armée du Rhin, il ne fit que ratifier le choix du pays et la désignation de l'armée.

Le Maréchal, en prenant possession de ses hautes fonctions, assumait sur lui une grande responsabilité, et héritait d'une situation rendue très difficile, à la suite de revers imprévus qui, tout en jetant du trouble dans la conduite de la guerre, déroutant les combinaisons, renversant tous les plans primitifs, avaient introduit un grand désarroi dans les branches des différents services.

Nons n'hésitons pas à dire que la tâche qui incombait ainsi au Maréchal dépassait de beaucoup ses moyens et ses forces, et qu'il n'était à sa hauteur, ni par son activité physique, ni par ses talents, ni par son énergie morale.

Pour une aussi grande mission, il eût fallu mettre en jeu tous les ressorts d'une grande âme, toute l'énergie d'un grand caractère; il eût fallu des éclairi de génie, peut-être !.

Le Maréchal, lui, n'appela à son aide qu'une somnolence égoïste, une sorte d'indifférence pour les intérêts généraux, un petit esprit, et de petits moyens.

L'armée, dont le sort lui était confié, représentait, par la vigoureuse constitution des cadres,, la vaillance des soldats, l'esprit militaire et de discipline, dont tous étaient pénétrés, tout ce que la France était capable de fournir de mieux en fait de troupes. Cette belle armée ne demandait qu'à être commandée, conduite et dirigée ; elle possédait, à un très haut degré, le sentiment de sa valeur; son énergie et son dévouement pouvaient défier les plus dures épreuves.

Malheureusement pour le Maréchal, et fatalement pour l'armée, l'insuffisance du chef se compliquait de celle de quelques-uns de ses lieutenants, et celui-ci, dont le caractère ne fut jamais élevé à la hauteur des nécessités du moment, ne sut point s'affranchir des considérations de personnes, et placer chacun au rang que lui assignait, non pas seulement sa valeur nominale, mais surtout sa valeur réelle.

Sur un sujet aussi délicat, nous croyons qu'il est inutile de s'appesantir; nous nous dispensons, pour

le moment, de citer des noms. Les noms viendront

assez tôt sous notreplume: nousdésirons qu'on n'en fasse point abus, et qu'on ne se hâte pas trop de les qualifier. Ceux qui les portent étaient de braves et dignes militaires, jouissant dans l'armée d'une grande considération, que justifiaient l'honorabilité du caractère, et de grands services rendus dans les guerres précédentes; mais deux d'entre eux tout particulièrement n'avaient point été suffisamment formés au maniement des armes combinées, et éprouvaient beaucoup de peine dans leur mise en ieu sur un [grand théâtre de guerre ; tous même, on peut le dire, outre qu'ils étaient plus ou moins déroutés par les malheurs qui s'appesantissaient sur nos armées, avaient, en quelque sorte, leur éducation militaire à refaire; par suite des procédés tactiques » inaugurés par l'ennemi, et du prodigieux effet des armes nouvelles qui rend fatale la plus petite faute, et exige, dans la préparation et la conduite des batailles, une précision de vues, une unité d'action, une prévoyance et une activité plus grandes que par le passé.

Le Maréchal Bazaine, pris au dépourvu quant à lui-même, ne tarda pas à se convaincre que son entourage et ses lieutenants, loin de pouvoir le suppléer ou le compléter, laissaient eux-mêmes beaucoup à désirer.

, Les batailles de Borny du 14 août,-de Rezonville du 16 août, et d'Amanvillers le 18, qui peuvent être citées parmi les plus grandes et les plus meurtrières du siècle, tant en raison du nombre des

combattants mis en ligne des deux côtés, que de l'acharnement de la lutte et du chiffre des pertes éprouvées de part et d'autre, n'ont été pour nous que des rencontres de hasard, où l'imprévu a tout réglé, et dont la valeur et le sang des soldats ont fait presque tous les frais.

Jamais, à aucune époque, la vaillance et la solidité des troupes n'avaient été mises à de si rudes épreuves, et il demeure bien certain que, malgré leur grande infériorité numérique, elles eussent, chaque fois, remporté d'éclatants succès si elles avaient été mieux commandées. Mais, de direction générale, aucune ; de mouvements coordonnés, aucun; de but précis, aucun!. de l'héroïsme individuel et par groupes, partout, sur tous les coins de l'échiquier de la bataille; les commandants de corps d'armée affrontent le danger avec entrain et un grand mépris de la mort, mais à cela se borne, à p3u de chose près, leur rôle.

A la suite de tant et de 'si stériles efforts et de si cruels sacrifices, après avoir perdu de si belles occasions de vaincre, le Maréchal Bazaine ne se crut plus capable d'entreprendre rien de grand et de décisif avec son armée; c'est, du moins, ce qui appert de sa conduite postérieure au 18 août.

- Et pourtant, il n'y avait pas lieu de perdre confiance et de se décourager, de courber la tête sous le poids de la responsabilité et de la charge !

Son armée, demeurée intacte, avait conservé toute sa vitalité ; sa confiance en sa valeur s'était

même accrue de ce que, s'étant mesurée avec des forces très supérieures aux siennes, elle était chaque fois demeurée maîtresse du champ de bataille ; elle avait acquis une expérience chèrement payée, il est vrai, mais qui pouvait être considérée comme une préparation utile à de grandes et décisives opérations.

Dans les camps, en face de l'ennemi, l'éducation militaire des troupes se fait vite, et il est hors de doute, que, si le Maréchal eût su imprimer une direction intelligente, active et énergique aux instincts généreux et aux forces vives de l'armée, il eut pu accomplir de grandes choses. Celle-ci s'était déjà allégée d'une grande partie de ses bagages, et avait acquis une assez grande mobilité; elle eût pu, si on l'eût exigé, en acquérir davantage encore.. -

Le soldat d'infanterie avait conscience de la supériorité de son arme ; la cavalerie avait pris de l'ascendant sur celle de l'ennemi, qu'elle n'avait jamais hésité à aborder, et, si l'artillerie était inférieure à celle de l'ennemi sous le rapport du nombre des canons, de leur calibre et de la vitesse du tir, on savait déjà qu'en rapprochant les distances et en combattant de plus près, cette infériorité était notablement diminuée ; quant aux attelages des pièces, et à la manière dont elles étaient servies, on ne pouvait désirer rien de mieux.

II

Le 20 août, l'armée s'établit dans les campements qu'elle devait occuper jusqu'au jour de la capitulation; repliée sur elle-même, elle devait, désormais, laisser à l'ennemi toutes les facilités désirables pour assurer ses communications, ses approvisionnements de toute nature, draîner toute la Lorraine de ses produits, tracer sa circonférence d'investissement et dresser ses batteries.

Quant à elle, il ne lui fallait plus compter que sur ses propres réserves de vivres et de fourrages, et sur les médiocres ressources que pouvait offrir la zone restreinte dans laquelle elle était parquée.

Mais nul ne se préoccupait de cette situation précaire; c'était l'affaire du commandement, et il n'est malheureusement que trop démontré que celui-ci n'en prit aucun souci. Quand il y avait tant à faire et à prévoir, il ne s'occupa absolument que de l'or-

ganisation des ambulances dans la ville de Metz, où l'encombrement des malades et des blessés pouvait devenir un véritable danger ; c'est peut-être la seule mesure qu'il sut prendre.

Dans les corps, parmi les troupes, l'on se figurait n'être encore qu'aux débuts d'une longue campagne, et qu'on devait très prochainement rentrer en opérations ; dès lors, on s'efforçait de hâter la réparation des effets de toute sorte et de se compléter des objets perdus ou avariés. Si peu renseigné qu'on fût sur ce qui se passait dans l'intérieur de la France, les communications étant tout à fait interrompues depuis le 18, on était du moins certain que de nouvelles armées s'y [organisaient, et l'on présumait qu'on serait appelé à agir concurremment avec elles, dans de grandes opérations décisives.

Le Maréchal, tout au contraire, semblable au commandant d'un vaisseau qui, ayant pu échapper à une tempête et rentrer dans un port, n'oserait plus se risquer à la mer, paraissait s'abandonner à la quiétude du mal présent, et s'efforcer d'écarter de son esprit toute préoccupation de l'avenir.

L'inertie du commandement justifie cette supposition.

Pour tout dire, l'armée n'est plus commandée, et le général en chef ne conserve plus de sa haute position que les prérogatives qui y sont attachées ; quant à son esprit, il n'est plus avec son armée, son cœur ne bat plus à l'unisson de ceux de ses soldats;

la vertu militaire, si elle persiste en lui, y demeure à l'état latent; il ne- s'en manifeste plus rien, à ce point qu'on a pu comparer image un peu trop forcée le Maréchal à un homme d'affaires en situation mauvaise, et qui n'a d'autre but que la recherche d'expédients, pour arriver à liquider celle-ci, sans bruit, sans éclat, sans trop compro* mettre son honorabilité. D'ailleurs, les événements qui s'annoncent décèlent tant d'inconnu que, pour l'homme un peu habile, peu embarrassé quant au choix des moyens, le salut peut se trouver là où la masse régie par des préjugés, le respect des engagements et les scrupules de la conscience, ne saurait entrevoir que la ruine !

Cependant, cette inertie expectante, qui est devenue toute la politique du Maréchal, peut être déjouée par bien des causes : l'armée s'en accommodera-t-elle ? en France, qu'en pensera-t-on ? Et Mac-Mahon, qui se réorganise et fera sans doute un effort dans l'Est, pour donner la main aux troupes de Metz, et faciliter la réunion dans la zone de nos places fortes du Nord d'une force imposante de 250,000 hommes, capable de relever la fortune du pays?.

Ces considérations, et d'autres encore, ;n'ont pas manqué, certainement, d'agir sur l'esprit du Maréchal, mais il n'a pas paru qu'elles eussent modifié ses résolutions.

Il a dû se dire : L'armée est confiante et disciplinée; je ne lui ai jamais fait sentir le poids de

mon autorité ; l'aménité de mes relations me concilie l'attachement de mes officiers; je me suis fait au Mexique une sorte de clientèle militaire, par suite de la faculté qui m'était donnée de distribuer des récompenses; la même faculté m'est attribuée ici, j'en userai aussi largement que les circonstances l'exigeront, et je me constituerai ainsi des avocats.

Puis je pourrai de temps en temps donner satisfaction aux ardeurs belliqueuses de la masse, en livrant de petits combats d'avant-poste. Enfin, mes bons rapports avec les commandants de corps d'armée, dont deux sont mes collègues, me garantissent leur facile accession à ma politique ; au besoin, je pourrai feindre de vouloir complaire à l'armée, en en relevant tout au moins deux de leurs fonctions.

Pour ce que l'on pourra penser et dire en France de ma conduite, je ne dois pas m'inquiéter sérieusement; les hommes de guerre ne peuvent être jugés que par les hommes de guerre ; or, tous les militaires réputés les plus compétents sont ici; les fortes têtes sont avec moi ; au surplus, rien n'est plus facile que d'égarer l'opinion, quand des questions sont aussi compliquées que celles qui concernent la conduite des armées.

Quant à Mac-Mahon, nous allons examiner comment on s'y prit pour lui tendre la main. Ce ne sera plus la logique des faits et l'enchaînement rationnel des idées qui parleront, ce seront les faits euxmêmes.

III

Nous sommes au 26; l'armée est impatiente, elle a un vague pressentiment des événements qui se préparent loin d'elle ; le bruit court dans les camps que les coureurs de Mac-Mahon ont été vus du côté de Briey ; toutes les imaginations sont en travail.

Dès le matin, des ordres sont donnés pour la concentration des troupes sur la rive droite de la Moselle. Le temps est affreux, la pluie tombe par torrents, mais les soldats conservent leur bonne humeur. Ils vont, dans le meilleur ordre possible, s'accumuler à l'entrée du seul pont qui leur est livré. Les masses s'écoulent lentement, il ne faut pas moins dp huit heures pour franchir l'étroite issue. Vers trois heures, il ne restait plus à passer que quelques bataillons, lorsqu'arriva l'ordre de revenir sur ses pas et d'aller reprendre les positions quittées le matin. Toute la nuit fut employée

à exécuter le mouvement rétrograde. Chacun se demandait quel pouvait être le but que s'était proposé le Maréchal en concentrant son armée, et cherchait à s'expliquer les causes de si singulières manœuvres.

On sait que, pendant la journée, un conseil de guerre avait été tenu dans le fort Saint-Julien, et que le général de Coffinières y avait fait des observations sur le danger que courrait la place de Metz si l'armée s'en écartait, et que, cédant à ses bonnes raisons, le conseil avait reconnu la nécessité d'ajourner l'opération projetée et en cours de préparation.

Bonnes raisons, soit! mais un peu trop tardivement provoquées et données. Elles ne furent, d'ailleurs, pas prises très au sérieux dans l'armée, parce qu'on y avait la certitude qu'aucune disposition n'avait été prise, soit pour abandonner Metz à ses propres moyens, soit pour la mobilisation du matériel et des réserves de vivres et de munitions, indispensables à toute armée livrée à ses propres ressources.

Le 31, il sembla qu'on voulut reprendre l'opération ajournée le 26.

Les trois corps d'armée campés sur la rive gauche de la Moselle durent, à nouveau, se porter sur la rive droite.

Les troupes furent informées que, pour éviter l'enoombrement à l'entrée du pont de bateaux, il

en avait été construit un second, voisin du premier.

Effectivement, la Moselle fut franchie sur deux ponts; mais ils aboutissaient tous deux à la même issue, resserrée entre les berges de la rivière et le coteau qui borde la vallée; il en résulta que l'encombrement évité d'un côté se reproduisit de l'autre. Cette fois-là, comme la précédente, on ne sut pas, ou l'on ne voulut pas profiter des deux ponts de pierre qui relient à Metz les deux rives de la Moselle.

Il eût été facile aussi de réparer le pont du chemin de fer, situé en amont de la ville, et dont on avait inconsidérément fait sauter une arche le 15 août, dans la matinée.

Si réellement on eût voulu, soit le 26, soit le 31, agir sérieusement et avec vigueur sur la rive droite de la Moselle, on n'eût point négligé les moyens de se concentrer rapidement, car une concentration de l'armée eût permis au général en chef d'attaquer l'ennemi avec des forces écrasantes.

Des opérations de cette nature eussent pu être entreprises chaque jour, jusqu'au 25 septembre, avec la presque certitude du succès, sur l'une ou l'autre rive de la Moselle. Cela se démontre avec une précision pour ainsi dire mathématique; il suffit de dire que l'armée ennemie était réunie autour des lignes françaises, sur une circonférence de cinquante kilomètres environ, partagée en deux par la Moselle, franchissable, pour lui, aux ponts

d'Ars situé en amont, et de Malroy construit en aval, et qu'il ne fallait que détruire ou masquer un de ces ponts en cas où nous attaquions sur une rive, pour tenir éloignées du théâtre de l'action toutes les forces de l'adversaire campées sur l'autre rive, car il leur eût été complètement impossible d'y arriver en moins de huit à dix heures de marche.

Le 31, jour où notre armée se concentrait sur la rive droite, le prince Frédéric-Charles avait porté le gros de ses forces sur l'Orne, affluent de la Moselle par la rive gauche, afin de s'interposer entre l'armée du Rhin et celle du Maréchal de MacMahon. Les positions de l'investissement n'étaient donc tenues que par les troupes de Steinmetz, dont il n'est pas possible d'évaluer le chiffre à plus de 140,000 hommes, soit 70,000 pour la rive droite, et autant pour la rive gauche.

A trois heures de l'après-midi, toute l'armée française, retardée dans sa marche par l'insuffisance des moyens de passage, que nous avons précédemment mentionnée, achevait son mouvement de concentration; les corps venus de la rive gauche de la Moselle entraient en ligne à la gauche et derrière ceux campés en permanence sur la rive droite, et qui étaient déjà établis depuis huit heures du matin sur leurs emplacements de combat.

Pendant .que s'effectuaient ces préparatifs, le général en chef tenait conseil avec ses commandants de corps d'armée et les commandants en chef t - :\

des armes spéciales, dans la ferme de Grimont, en avant du fort Saint-Julien: Nous ne connaissons, comme de juste, des délibérations que ce qui en a transpiré, mais il demeure avéré qu'il fut décidé dans le conseil que l'opération à entreprendre aurait pour théâtre tout le terrain qui s'étend de la rive droite de la Moselle à la route de Metz à Boulay, et pour objectif la forte position de Sainte-Barbe, qui commande la contrée comprise entre la Moselle et la Nied, ainsi que les routes de Metz à Boulay, à Bouzonville et à Thionville.

Le Maréchal Canrobert, dont le corps d'armée occupait la gauche, devait, assure-t-on, tout en s'avançant vers l'objectif, s'emparer du village et du pont de Malroy, où l'ennemi était assez solidement établi ; mais, ne s'emparât-il pas de cette position, il lui fallait tout au moins la surveiller et empêcher l'ennemi d'en déboucher. Ce dernier résultat, il l'obtint.Ce projet était bien conçu dans son ensemble : les positions à attaquer représentaient environ le huitième de la circonférence d'investissement; l'armée avait son flanc gauche couvert par la Moselle, ses derrières assurés par les forts SaintJulien et Belle-Croix, et, vers la droite, elle formait un échelon sur le fort Queulen.

En marchant résolûment par la gauche et le centre, en renforçant la droite d'une division de la garde, pour barrer le chemin aux renforts que

l'ennemi pourrait diriger vers le champ de bataille, on devait compter sur un éclatant succès : les Prussiens, quelque diligence qu'ils pussent faire, n'ayant pas plus de 20,000 hommes à nous opposer pendant la première heure du combat, et ne pouvant en réunir plus de 40,000 quatre heures plus tard.

L'action commença, vers les quatre heures, par une violente canonnade, et comme le front de l'armée était de moitié inférieur à l'étendue qui lui eût été nécessaire pour l'emploi utile de toutes ses forces, chaque corps d'armée, moins la garde tenue en réserve, n'engagea sur son front qu'une brigade" tout au plus.

L'infanterie s'ébranla à cinq heures, lorsque les batteries ennemies, écrasées par le feu de nos forts, se furent un peu repliées.

Les tiraillèurs ennemis, éparpillés autour des premiers villages, ne tinrent pas ; il fallut néanmoins s'avancer lentement, avec précautions, en raison des difficultés du terrain couvert de vignes, coupé de haies, de fossés et de murs de clôture.

Ne voulant que retracer l'ensemble de l'opération, nous négligerons les détails particuliers à chaque corps ; qu'il nous suffise donc de dire que l'attaque du village de Noiseville fut très vive; que l'ennemi, abordé sur ce point à la baïonnette, y fit des pertes sensibles, et que nos troupes atteignirent, à la tombée du jour, les abords du village de Servigny, lequel est situé sur un plateau 'qui domine,

à deux mille mètres de distance, la position de Sainte-Barbe.

Quelques compagnies parvinrent à se loger dans une partie de Savigny, tandis que l'ennemi se maintenait dans l'autre; la fusillade fut entretenue de part et d'autre, sur ce point, jusqu'à neuf heures du soir.

La nuit venue, les troupes qui avaient appuyé le mouvement offensif s'arrêtèrent et bivouaquèrent sur place.

Vers la gauche, le corps Canrobert avait poussé une division jusqu'au village de Failly, situé sur un des contre-forts du plateau de Sainte-Barbe ; cette division se maintint, pendant la nuit, autour de cette position.

Pendant ce temps l'ennemi forçant la marche et servi par l'obscurité de la nuit, entassait de nouvelles troupes sur ses positions.

Vers une heure du matin, il attaqua le village de Servigny, où il ne rencontra que quelques compagnies de garde, qu'il en chassa aisément, mais sans oser, toutefois, pousser au delà.

Le 1er septembre, au point du jour, le feu recommença sur toute la ligne ; il fut soutenu, de part et d'autre, avec une grande vivacité; mais nos troupes les plus avancées, ne sachant pas ce qu'elles avaient à faire, ne recevant aucun ordre, ne voyant prendre aucune disposition, soit pour les relever, soit pour les appuyer, se bornèrent à se maintenir dans leurs positions de la nuit ; elles demeurèrent

pendant plusieurs heures sous un feu d'artillerie des plus violents, que leur immobilité contribuait à rendre très meurtrier ; puis vers dix heures on les vit se retirer, dans le meilleur ordre et toujours en combattant ; en arrière d'elles surgirent, presque instantanément, huit ou dix lignes de bataille se repliant, elles aussi, avec un ensemble parfait, occupant militairement et successivement toutes les positions intermédiaires; les obus éclataient par centaines au milieu d'elles, sans y occasionner le moindre trouble.

Que signifiait ce mouvement de retraite?. Que s'était-il donc passé ?. chacun se le demandait. Le général en chef, les commandants de corps s'interrogeaient l'un l'autre, mais ils ne le surent jamais d'une manière positive.

De fait, personne, paraît-il, n'ordonna la retraite ; elle eut lieu, parce que les troupes comprirent qu'on ne faisait, ou qu'on ne voulait rien faire de bon, et qu'on ne s'occupait pas d'elles ; elles se retirèrent tranquillement, comme d'un commun accord. Tous les officiers de troupe, tous les généraux interrogés, répondirent invariablement : « Nous nous sommes retirés, parce que, nous avons vu tout le monde se retirer ! »

Lorsque le Maréchal commandant en chef se fut aperçu du mouvement rétrograde des troupes, il manifesta du mécontentement et une certaine inquiétude. Il donna l'ordre de faire avancer deux régiments de la garde, qu'il fit établir sur les flancs

de la route de Bouzonville, derrière des tranchées qu'on éleva à la hâte ; il appela, en même temps à lui, la cavalerie de la garde et la division de réserve de cette arme ; on prit, à la hâte, quelques autres dispositions, comme si, véritablement, il y eût apparence de danger sérieux.

Toute son armée était devant lui, faisant la meilleure contenance ; de danger sérieux, il n'y en avait donc aucun, et c'était s'en créer inconsidérément, que d'acculer ses lignes déployées à des obstacles infranchissables, et d'accumuler des réserves à l'entrée de défilés étroits. Il eut suffi en ce moment, d'un coup de clairon, pour arrêter instantanément ce mouvement de retraite, et d'un simple ordre pour reporter l'armée en avant. Toute précaution même était devenue sans objet; l'ennemi,.

fatigué des marches qu'il avait dû faire pour se réunir, restait immobile dans ses positions ; il se contentait de nous envoyer des obus et de nous faire suivre par quelques groupes de tirailleurs.

Quand on se fut arrêté en avant des forts, on s'occupa des morts et des blessés, qui furent relevés de part et d'autre. Les troupes campées en permanence sur la rive droite de la Moselle, reprirent leurs bivouacs ordinaires, et celles qui avaient à se porter sur la rive gauche, s'éooulèrent lentement et péniblement, le long des flancs du fort SaintJulien. Il était dix heures du soir, lorsque les derniers régiments arrivèrent sur leurs emplacements respectifs.

Il ressort de ce récit, très véridique dans son ensemble, que la bataille de Noiseville, nom donné à cette opération qui dura deux jours, et qui nous coûta au-delà de deux mille hommes mis hors de combat, n'avait été ni préparée avec soin, ni bien conduite, et que le général en chef ne s'était proposé aucun but sérieux, car celui qu'il a laissé entrevoir eût été obtenu s'il l'avait poursuivi avec la volonté de l'atteindre. Il lui eût suffi de commencer l'action deux heures plus tôt le 31, de ne pas laisser les contingents ennemis défiler, pendant toute la nuit suivante, à un kilomètre de son flanc droit, et, même ces fautes ayant été commises, de donner des ordres dans la matinée du 1er septembre, pour que l'offensive fût vigoureusement reprise.

Nous reconnaissons qu'il est du devoir d'un commandant d'armée d'entourer d'un certain mystère ses projets et toutes les mesures qu'il est obligé de prendre, avant d'engager de grandes actions de guerre; et que nul, dans l'armée, en dehors de quelques coopérateurs indispensables, ne puisse pénétrer, ou ne cherche à pénétrer ses desseins. Cela est tout naturel ; mais ce qui ne l'est pas, et dépasse tout ce que l'esprit peut concevoir, c'est que, lorsqu'une opération de guerre a duré deux jours, que cent mille hommes y ont pris part, et que des mois ont été employés depuis, par le plus grand nombre, à rechercher quelle pouvait bien être la pensée du général en chef, en prescrivant cette opération, et

le but qu'il se proposait en la faisant exécuter ; ce qui déroute, disons-nous, l'intelligence, c'est qu'on en soit encore à se demander : « Mais qu'a donc voulu faire le général en chef ? - - - » Quant à nous, nous pensons que le Maréchal n'avait point l'intention de rompre la ligne d'investissement de l'ennemi, et qu'il ne se souciait aucunement de livrer une grande bataille. Nous l'avons déjà dit, depuis le 18 août 41 ne voulait plus tenter en grand le sort des armes; il avait peur d'un désastre. Mais, contraint par les impatiences de l'armée de sortir de son immobilité, sentant, d'ailleurs, l'obligation de manifester son désir de concourir aux opérations du Maréchal de Mac-Mahon, il crut qu'il lui suffirait, pour donner satisfaction à ces nécessités, de déployer ses troupes, de feindre la volonté d'attirer de son côté le gros des forces de Fennemi, et de ne s'engager que tout autant qu'il le faudrait pour ne rien compromettre.

Il y eut dans l'armée beaucoup de mécontentement, et, pourtant, elle ne se découragea pas ; elle n'en était point encore arrivée à désespérer complètement du général en chef.

L'opinion s'y accrédita que le Maréchal tâtonnait, étudiait son terrain et les allures de l'ennemi, et qu'il dressait ses plans en vue d'une affaire d'importance.

Les officiers qui l'avaient vu, au camp de Châlons, très embarrassé pour remuer trente mille hommes de toutes armes, étaient particulièrement

disposés à faire admettre cette manière de voir. Ils disaient : « Ayez confiance, le Maréchal n'est pas bien sûr de lui-même, mais il étudie, se prépare en silence, et, le moment d'agir venu, il nous fera sortir d'ici avec éclat. »

A cette époque, d'ailleurs, il ne venait à l'esprit de personne, dans l'armée, que celle-ci avait été réunie pour la dernière fois, et qu'elle n'aurait plus à livrer que de rares combats partiels.

Et pourtant rien de plus vrai : désormais l'armée du Rhin fera corps avec la garnison de la ville de Metz, et ne sera plus considérée par le général en chef que comme la garde avancée de la place. Nous ne sommes encore cependant qu'au 2 septembre.

IV

Deux mois plus tard, le Maréchal Bazaine, écrivant dans l'ordre du jour par lequel il fait connaître à son armée la capitulation, cette phrase laconique : « Tout ce qu'il était loyalement possible de faire pour éviter cette fin a été tenté et n'a pu aboutir, » le Maréchal, disons-nous, se flatte plus que de droit. Qu'il ait agi plus ou moins loyalement, c'est ce que nous examinerons plus tard; mais qu'il ait fait ce qu'il eût dû faire, ce qui était commandé par le devoir, non, cent fois non, il ne l'a pas fait I.

L'heure n'était pas venue, le 2 septembre, .d'abandonner la lutte en rase campagne, de se réfugier sous le canon d'une place et de s'y faire assiéger.

Une armée ne doit point ainsi s'abriter du danger et se placer hors de lutte. Représentant le dévouement et le sacrifice, c'est aux jours d'épreuves qu'elle doit se montrer et affirmer sa valeur; son

devoir est dé s'interposer, coûte que coûte, entre le pays et l'envahisseur. Il ne doit y avoir pour elle ni trêve ni repos tant qu'elle demeure en puissance d'elle-même, et qu'elle n'est atteinte ni dans son organisation ni dans ses principes fondamentaux.

On cherchera peut-être à trouver une excuse à cette immobilisation de l'armée autour de Metz, en représentant la place comme insuffisamment armée: si l'on s'en fût écarté, dira-t-on, l'ennemi eût pu la bombarder et s'en emparer. Cette objection n'est pas très sérieuse en elle-même ; nous ne l'admettons que sous réserve; d'ailleurs, il eût été très facile de manœuvrer autour de Metz sans compromettre la possession de cette place, et n'eûton dû faire de grandes opérations qu'en vue d'augmenter les réserves de vivres de l'armée en prévision du moment où l'on serait contraint, par les diminutions dans le chiffre, des troupes, de se réfugier sous Metz, il eût fallu agir.

Pourquoi donc se laisser tant resserrer et souscrire si tôt à l'impossibilité de se remuer ? Pourquoi n'avoir pas occupé sur la rive droite de la Moselle les fortes positions qui séparent les vallées de la Seille et de la Nied : Ars-Laquenecy, Mercy, Colombey ?

En s'y établissant, on eût rejeté l'ennemi au loin; on eût acquis le terrain nécessaire aux manœuvres et a a déploiement de l'armée, qui fût demeurée libre de ses mouvements ; la possession de plus de

vingt villages et grandes fermes eût été assurée ; on y eût trouvé des ressources importantes en blé et en fourrages ; on eut put tenter avec chances de succès de s'approcher de Thionville, distant de 24 kilomètres seulement, et que l'on savait abondamment pourvu de vivres.

Et puis, enfin, quand le moment serait venu de faire l'effort suprême commandé par le patriotisme et l'honneur des armes, que prescrit la religion du soldat, on eût pu l'entreprendre avec la certitude qu'il ne serait ni stérile ni suivi d'un désastre complet !.. Sauver 50,000 hommes seulement c'eût été se ménager l'encadrement de 300,000.

y

Après le 2 septembre, l'action de l'armée n'est plus concentrée que sur les travaux nécessaires à la mise en état, à l'armement des forts avancés de la place et à la construction de batteries et de lignes de défense propres à garantir la sécurité de ses propres campements. -

L'ennemi, laissé complétement maître de la campagne, ne témoignait, d'ailleurs, aucune velléité de nous provoquer au combat. Il s'accommodait parfaitement de toutes les facilités qui lui étaient données pour se fortifier autour de nous ; le choix des positions avantageuses lui était complètement abandonné.

Le 12, alors que commençaient à se faire jour les sinistres nouvelles de la catastrophe de Sedan apportées par des prisonniers échangés aux avantpostes, le Maréchal Bazaine crut bon de réunir à

son quartier les commandants des corps d'armée et les généraux de division, pour leur faire connaître ce qu'il savait de cet immense malheur, ce qu'en avaient raconté les prisonniers interrogés par son état-major.

Il fit lui-même lecture des renseignements recueillis, puis il exprima, en quelques paroles prononcées sans assurance, et comme incidemment, sa volonté de demeurer dans le statu quo. « Messieurs, « dit-il, vous comprenez bien que je ne veux pas « m'exposer à subir le sort de Mac-Mahon; consé« quemment, nous n'entreprendrons plus, désor« mais, de grandes sorties ; chacun de vous se char« gera de faire de petites opérations de detail en « avant de son front, afin de tenir la troupe en « éveil, et de montrer à l'ennemi que nous ne som« mes pas morts. Je ne puis être partout ; je m'en « rapporte aux commandants de corps d'armée ; je « les laisserai juges de l'opportunité d'ordonner ces « sortes d'opérations. Nous attendrons ainsi les or« dres du Gouvernement. »

Ces quelques mots, empreints d'insouciance et de bonhomie, avaient pourtant une grande portée; ils impliquaient une sorte de justification de la conduite du Maréchal, dont la prudence et la circonspection avaient mis l'armée à l'abri d'un sort pareil à celui de l'armée de Sedan ; ils affirmaient la volonté de persévérer dans la même ligne de conduite, dont, au surplus, le Maréchal était tout prêt

à donnçr l'explication au Gouvernement, dont il s* attendait les ordres.

Ne rien faire, attendre des ordres : le voilà donc dévoilé et mis à l'ordre du jour, ce programme destiné à masquer tonte la série de combinaisons et de manœuvres mystérieuses qui devaient acculer l'armée dans cette cruelle impasse, où elle eut à se débattre entre un désespoir stérile et le déshonneur.

Le discours du Maréchal, écouté sans qu'on y prît beaucoup d'attention, ne produisit pas d'effet très sensible sur l'assistance, qui n'en comprenait ni le vrai sens ni toute la portée. Les esprits, d'ailleurs, et toutes les pensées étaient tournés d'un autre côté : le désastre de Sedan, ses causes, la manière dont il s'était accompli, avaient frappé les imaginations, et l'on s'était senti comme pris de vertige en présence des cruelles souffrances qui l'avaient accompagné. On envisageait, avec une poignante douleur, les calamités qu'il pouvait entraîner pour le pays, et l'on demeurait indifférent à toute question étrangère à cet ordre d'idées.

Cependant, en sortant de chez le Maréchal, chacun des généraux dut se recueillir, afin de pouvoir rendre compte à ses officiers du but de la réunion et de ce qui s'y était passé.

Ce fut alors, seulement, qu'il arriva à quelquesuns d'entre eux de se faire une idée à peu près exacte de la situation présente et des conséquences fatales qui en devaient rationnellement sortir. Ce sont Je réftesions quepous fûmes, personnellement,

amené à faire dans cette circonstance, qui nous ont fourni le fil à l'aide duquel nous avons pu suivre le dédale des manœuvres qui devaient nous mener au terme que nous avons ci-dessus défini.

Les communications faites aux officiers ne semblèrent pas leur donner de soucis. Ils conservaient, pour la plupart, une grande confiance dans l'habileté du commandant en chef et dans les ressources de son esprit, qu'on disait fécond en expédients.

Habitués qu'ils étaient à se laisser conduire dans les moindres détails de la vie militaire, obéissants et patients, ils ne laissaient pas leur pensée s'égarer dans des perspectives éloignées.

Ce qui les rassurait surtout, c'était la promesse qui leur était donnée qu'on attendrait les ordres du Gouvernement. Nul ne songeait, cependant, à s'enquérir de quel gouvernement le Maréchal avait voulu parler.

Était-ce de celui qui était tombé le 4 septembre ?

Ou de celui qui était debout à l'heure présente?

La question était pourtant assez grave pour qu'on songeât, à part soi, à se la poser.

La logique et le bon sens démontrent, à défaut de toute preuve matérielle, que ce n'était pas du Gouvernement de la défense nationale que le Maréchal attendait des ordres, car il demeure avéré que non-seulement il ne fit rien pour entrer en rapport avec lui, mais que, tout au contraire, il s'efforça constamment de s'en isoler.

Le Maréchal était convaincu que ce gouverne-

ment ne durerait pas. Il ne supposait pas Paris capable d'une résistance sérieuse ; il pensait que l'anarchie et les désordres intérieurs y paralyseraient tous les efforts de la résistance ; que sa capitulation serait presque immédiatement suivie de propositions de paix, et que le grand capitaine dont l'armée était demeurée intacte, qui avait réussi à ne pas se laisser entamer, qui tenait, par l'occupation de Metz, une des clefs de la France en sa possession, deviendrait, en quelque sorte, le maître de la situation et serait, tout au moins, en mesure d'obliger les partis à compter avec lui.

Amené par ses fautes militaires et les circonstances à se placer dans cet ordre d'idées, le Maréchal pensa donc n'avoir plus qu'à attendre patiemment les événements qui devaient surgir à propos pour lui fournir, non plus les moyens de justifier sa conduite antérieure, mais bien l'occasion de la mettre en relief et de la présenter comme le résultat de sa prévoyante perspicacité et d'un grand sens politique. Attendre, toujours attendre 1 et voir venir, était tout le fond de cette habileté politique autour de laquelle gravitaient les intérêts de 150,000 hommes.

L'armée a déjà vécu, depuis le 20 août, sous le coup de l'attente ; elle va continuer à se débattre et à s'user dans l'attente. Mais chaque jour passé devra rendre cette situation expectante plus dangereuse et plus pénible. En premier lieu, les vivres s'épuisent ; il est urgent de songer à en prolonger

la durée. Pour ce qui concerne la viande, nulle difficulté : l'armée possède 30,000 chevaux, ils seront mis en coupe réglée; qu'importe, en effet, que l'artillerie demeure sans attelages et que les cavaliers soient démontés, puisque l'armée ne doit plus tenter le sort des armes en rase campagne t Quant aux autres vivres de toute nature, le seul moyen praticable d'en augmenter la durée est de diminuer le taux des rations ; on le fera insensiblement, puis arrivera un moment où l'on ne distribuera plus rien du tout.

Mais, ce moment, on ne le prévoyait pas encore; il était, au surplus, mis en dehors de tous les calculs.

Nous pensons cependant que, lorsqu'on commença à prescrire la diminution du taux des rations de vivres, le commandement ne dut pas pouvoir s'affranchir du regret de n'avoir pas été plus précautionnenx, et, notamment, d'avoir fait la faute de donner du seigle et du blé à manger aux chevaux, avant d'avoir songé à assurer les besoins des hommes.

Nous ne nous étendrons pas sur les conditions matérielles d'existence qui furent ainsi imposées à l'armée de Metz ; ce n'a pas été ce que la situation de cette armée a présenté de plus triste ; les soldats ont supporté les privations de toute sorte avec un stoïcisme et une résignation qui leur font le plus grand honneur. On leur demandait des efforts de volonté et d'énergie; ils les ont fournis

dans la limite la plus extrême de leurs forces, de même qu'ils ont affirmé jusqu'à l'héroïsme leur valeur devant l'ennemi.

Jusqu'au 20 septembre, l'abattage des chevaux ne produisit pas, dans les forces de l'armée, une diminution assez sensible pour lui enlever la conscience de sa grande valeur; de petites sorties, vigoureusement conduites, avaient contribué à lui conserver toute sa confiance en elle-même. Mais, depuis cette époque, elle n'alla plus que s'affaiblissant de jour en jour, et elle arriva rapidement au point où le commandement semblait avoir voulu l'amener, c'est-à-dire à l'impossibilité de pouvoir livrer une grande bataille. Cette impossibilité, rendue désormais évidente pour tous, enlevait au Maréchal toute inquiétude qui aurait pu lui venir de l'impatience de ses troupes et de leur répugnance à se prêter au régime qui leur était imposé.

Nous avons déjà dit notre pensée sur les mobiles qui, jusqu'alors, avaient guidé la conduite du Maréchal. Nous en écartons toute idée ou projet de restauration bonapartiste, car sa conduite est restée, dans son ensemble, constamment la même pendant la période de temps écoulé entre le 20 août et le 23 septembre, et celle-ci renferme, tout au moins, une vingtaine de jours pendant lesquels il ne pouvait être question de projets se rapportant à cet ordre d'idées. Mais, à partir du 23 septembre, ce sera tout différent, le Maréchal a trouvé sa voie.

La situation matérielle de l'armée, qui empirait de jour en jour, comportait de sérieux avertissements qui devaient faire souhaiter au Maréchal de promptes solutions. En ce moment-là, l'échafaudage de ses espérances manquait par la base ; la défense de Paris s'organisait sur un pied formidable; la France entière se levait pour opposer à l'envahissement de son territoire une résistance à outrance. Le Gouvernement de la défense nationale recueillait les adhésions de tous côtés ; il était bien vivant et debout; rien ne faisait présager le termede la formidable lutte dans laquelle le pays était engagé 1

VI

Au milieu du désarroi de ses calculs, le Maréchal devait être très anxieux et désirer vivement sortir du mauvais pas où l'avaient entraîné ses fautes militaires et ses mauvaises inspirations.

Pour l'homme qui se noie et dont la tête se trouble, un brin d'herbe semble une planche de salut, et il cherche à s'y cramponner.

Cette sorte de planche de salut lui fut présentée, paraît-il, par un sieur Régnier, et le Maréchal s'y cramponna, sans avoir bien la conscience de la fragilité du secours qui lui était offert.

On raconte que M. Régnier s'était mis en tête d'entreprendre la restauration de l'Empire, et que, reçu à Versailles, il avait obtenu un sauf-conduit pour venir à Metz. Il y serait arrivé précisément à l'époque dont nous venons de parler, aurait raconté ses voyages en Angleterre et à Versailles,

effectués dans les conditions que lui-même a, depuis lors, divulguées) et n'aurait point été en peine pour faire partager ses illusions au Maréchal Bazaine et aux commandants de corps d'armée, lesquels auraient étudié, sous toutes leurs faces, les questions qui s'y rattachaient, et ce serait de leur délibération que sortit la mission donnée au général Bourbaki de se rendre en Angleterre auprès de l'impératrice.

Le choix qui fut fait du général Bourbaki résultait de la nature des rapports que le général avait entretenus avec la famille impériale, mais tout particulièrement, à notre sens, du désir que l'on pouvait avoir, dans le conseil suprême, d'éloigner du conseil une personnalité que l'on jugeait gênante.

La grande situation du général dans l'armée, son ardente nature et les révoltes de son tempérament militaire, pouvaient faire craindre qu'il ne lançât, par instant, quelques notes discordantes dans un concert où l'on avait intérêt à voir un accord complet.

Il partit mystérieusement le 24 septembre.

L'armée ignora d'abord quel pouvait être le motif de son départ ; mais, si soigneux qu'on fût pour le lui dissimuler, elle finit cependant, au bout de quelques jours, par en pressentir le but.

Le Maréchal a dû savoir alors, par ce qui lui a été rapporté des conversations auxquelles ses manœuvres donnaient lieu, que les officiers n'étaient pas généralement disposés à admettre qu'on pût les

engager dans des aventures politiques sans leur agrément, et que beaucoup d'entre eux faisaient leurs réserves quant au parti qu'ils prendraient au moment où il faudrait se prononcer.

La garde, que l'on s'est plu malicieusement à représenter, et la ma lice a souvent plus de crédit que la vérité,- comme une sorte de garde germaine de quelque Yitellius, la garde, disons-nous, n'eût pas été plus disposée que les autres corps de l'armée à se prêter à des manœuvres de restauration. On s'y sentait indigné par la seule pensée d'un rôle à jouer de connivence avec l'ennemi.

A Paris, l'empereur étant debout, elle n'eût transigé ni avec la révolution ni avec l'émeute; elle eût poussé jusqu'aux plus extrêmes limites du possible son dévouement à la dynastie impériale ; elle l'eût affirmé, au besoin, par le sacrifice de son dernier homme. Mais depuis, le devoir s'était déplacé, les pensées étaient toutes tournées du côté de la patrie envahie.

Au surplus, dans toute l'armée, les esprits ne pouvaient alors être accessibles qu'au patriotisme ardent qui s'alimente dans la lutte et s'affirme par le sacrifice. Ils n'eussent rien compris à cet autre genre de patriotisme, qui ne se définit qu'au moyen de raisonnements étayés de subtilités politiques.

Aussi longtemps que l'armée serait restée auteur de Metz, il n'y avait à craindre, si révoltées que pussent devenir les consciences, aucune protestation violente ni aucune rupture des liens hiérar-

chiques. Mais, s'il fût arrivé qu'on l'en eût fait sortir, non dans le but de combattre l'étranger, mais pour l'entraîner dans des aventures politiques, c'eût été complètement différent.

Le Maréchal Bazaine n'était pas entouré du grand prestige qui accompagne les grands capitaines, sacrés par la victoire. Il ne possédait pas la confiance des troupes, ordinairement acquise aux grands caractères et aux natures d'élite. Il manquait donc, tout à la fois, et des ressorts voulus pour produire les entraînements aveugles, et de l'autorité morale qui s'impose aux esprits droits et réfléchis.

VII

Le blocus de l'armée se resserrait de plus en plus, non que l'ennemi avançât sur elle en gagnant du terrain, mais parce qu'il augmentait incessamment le nombre des batteries qu'il élevait sur la circonférence d'investissement. L'isolement se faisait de plus en plus, et les rares nouvelles de l'extérieur ne pénétraient dans l'enceinte des camps que travesties, soit que les Prussiens s'appliquassent à les raréfier ou à les défigurer, soit que le Commandement crût utile à ses desseins d'empêcher la voix du pays d'être entendue.

Le régime débilitant, physiquement et moralement, auquel l'armée se trouvait astreinte, semblait avoir été combiné de manière à produire, à point nommé, les hallucinations de la peur et la soumission inerte ; on l'eût dit appliqué méthodi quement, patiemment, avec une inexorable logique.

De fait, par une singulière coïncidence, l'affaissement des forces physiques concorda toujours avec un tableau plus ou moins fantaisiste des forces et des progrès de l'ennemi, et ce tableau, destiné à être mis sous les yeux des troupes, était d'autant plus sombre que le temps était plus mauvais.

Depuis le milieu de septembre il s'était fait quelques petites sorties; la fin du mois avait été signalée par une opération relativement plus importante par le chiffre des forces engagées et l'étendue du terrain parcouru.

Dans une même journée, toute la zone comprise entre le chemin de fer de Sarrebruck, depuis la gare de Peltre jusqu'au château de Colombey, avait été envahie par nos troupes; sur tous les points l'ennemi avait été bousculé, battu et malmené; on lui avait fait plusieurs centaines de prisonniers, on avait ramené quelques bœufs et quelques charretées de paille.

Si le Commandement s'était proposé, en cette occasion , de démontrer pratiquement aux troupes qu'elles n'étaient plus en état de se mesurer avec l'ennemi, et qu'elles n'avaient plus qu'à se résigner à leur sort et à courber la tête, il manqua son but, car elles prouvèrent que ]eur énergie n'était point éteinte. Elles s'étaient emparées, au pas de course, des positions stratégiques de la rive droite de la Moselle, de celles dont nous avons précédemment représenté l'occupation comme essentielle aux manœuvres de l'armée repliée sous Metz. Mais ce de-

vait être le dernier effort des troupes campées sur la rive droite de la Moselle; le 2e et le 3e corps n'auront plus désormais qu'à se garder et à attendre.

Dans les premiers jours d'octobre, ce fut au-tour des corps campés sur la rive gauche de donner des preuves de leur vitalité.

On feignit de vouloir s'ouvrir la route de TI Lionville par une préparation qui s'accusait par de petits engagements.

Le premier obstacle à vaincre était la position de Ladoncbamps, château retranché, à la possession duquel l'ennemi semblait attacher une certaine importance; il lui fut enlevé au point du jour pour ne plus être abandonné, quelques efforts qu'il ait faits pour le reprendre. Sur la droite, vers la Moselle, l'ennemi fut également chassé des Maxes, villages importants, renfermant des approvisionnements de fourrages ; nous ne nous y maintînmes pas, leur occupation n'étant d'aucune utilité.

Enfin, le 7 octobre, un mouvement d'ensemble eut lieu dans la même direction. Des troupes du 48 et du 6e corps attaquèrent les collines qui courent sur la gauche et parallèlement à la route de Thionville, et la division de voltigeurs de la garde s'avança sur la droite de cette même route, en y appuyant sa gauche. La .limite extrême que devaient atteindre les troupes dans ce mouvement offensif ayant été prescrite par le commandant en chef, les généraux n'eurent à demander aux troupes

que des efforts proportionnés au but à atteindre.

Généralement, on avait perdu le goût de ces sortes d'opérations qui n'amenaient à rien qu'à des pertes d'hommes. Les troupes du 4e et du 6e corps se conformèrent au programme et chassèrent l'ennemi des bois avoisinant la route.

Quant à la division de voltigeurs de la garde, déployée à sa sortie des tranchées, elle se trouvait avoir, à deux kilomètres en avant de son front, les villages des Maxes, de Saint-Rémy, des Grandes et Petites Tapes, tous plus ou moins occupés par l'ennemi.

Les voltigeurs se portèrent résolûment en avant, ne se laissèrent point arrêter par la violence des feux de mousqueterie et d'artillerie dirigés sur eux, et ils enlevèrent successivement à la baïonnette ces différents villages dans lesquels ils firent 800 prisonniers. Ils s'y maintinrent jusqu'à la nuit sous les feux convergents de plus de quarante canons, la plupart d'un gros calibre; s'ils se retirèrent, c'est parce que l'heure de rentrer au camp était venue.

Cette opération fut la dernière de la campagne.

Les troupes de l'armée du Rhin ne franchiront plus désormais en armes les limites de leurs camps respectifs. -

Elles sont ensevelies vivantes et bien vivantes.

Leur agonie date de cette époque.

VIII

Deux jours plus tard, le 9 octobre, commençait une longue série de pluies froides et torrentielles qui devait se continuer sans interruption jusqu'à la fin du mois et contribuer à rendre si pénible et si lugubre cette agonie d'une grande armée!

Ce fut alors que le Maréchal Bazaine, qui savait n'avoir plus rien à attendre de la mission du général Bourbaki, se trouva acculé à la nécessité de faire connaître à son armée la situation critique qui lui avait été ménagée et dans laquelle elle se consumait, sans qu'elle eût conscience de la gravité de son état.

Il adressa aux commandants de corps d'armée un mémoire où étaient énumérées les ressources de l'armée sous le rapport des moyens d'action et des forces encore disponibles, et où il était dit, no-

tamment, qu'il ne restait plus en réserve que pour sept jours de vivres.

En regard de cet exposé figurait rénumération des forces de l'ennemi, accumulées sur ses- positions d'investissement, formidablement hérissées de canons abrités.

Le mémoire concluait à l'impossibilité pour l'armée de percer les lignes ennemies rendues inexpugnables, et à la nécessité de traiter à des conditions honorables.

MM. les commandants de corps d'armée étaient invités à communiquer ce document aux généraux de division et à leur demander leur avis, par écrit, sur l'urgence d'entrer en accommodement avec l'ennemi.

Quelque misérable que fût déjà l'état de l'armée dans son ensemble, le découragement n'avait atteint ni les officiers ni les soldats. Ils se seraient sentis indignés au seul mot de capitulation ; aussi ce mot avait-il été intentionnellement écarté du mémoire, où il n'était question que d'arrangements honorables à prendre. Nous ne sommes- pas en mesure de faire connaître les réponses faites à cette communication par les généraux de division de l'armée. Nous sommes cependant fondé à croire qu'elles ont, presque unanimement, exprimé l'avis qu'il était urgent de traiter, mais sous cette réserve qu'on était disposé à tous les sacrifices pour sauver l'honneur des armes.

Les généraux commandant les divisions de la

garde demandaient qu'on entrât sur l'heure en arrangements, afin de ne point être acculé à la dernière ration de vivres et de pouvoir tenter, en temps opportun, un suprême effort; ils préféraient, disaient-ils, mourir les armes à la main, à la tête de leurs troupes, que de souscrire à des conditions humiliantes.

On croyait généralement dans l'armée que le prince Frédéric-Charles avait tous les pouvoirs nécessaires pour traiter avec Le Maréchal Bazaine, et que l'on saurait très prochainement à quoi s'en tenir sur le degré de rigueur des exigences prussiennes. Mais il n'en était pas ainsi apparemment, car le 10, M. le général Boyer, premier aide de camp du général commandant en chef et son confident, partait pour Versailles, muni des pouvoirs nécessaires pour poser les bases d'un arrangement.

Il ne devait être de retour que dans la soirée du 17, au moment précis où se consommait la dernière ration de vivres dont disposait l'armée.

Singulière coïncidence de temps que nous notons, sans toutefois y voir le résultat d'un calcul.

Pendant l'absence du général Boyer, les officiers deTarmée, mis au courant de l'état réel des choses, trouvaient que le temps s'écoulait bien lentement, et vivaient au milieu des préoccupations les plus.

anxieuses, car l'épuisement des vivres marquait le terme, de jour en jour plus rapproché, du fatal dénoûment.

L'esprit le plus distrait ne pouvait s'affranchir de

la recherche de l'inconnu qui se dressait devant lui, et chacun, quel que fût son optimisme, ne pouvait entrevoir que des ruines où devaient se confondre, abîmées, toute la gloire du passé et les espérances du présent ; qu'un sombre avenir et tout ce cortége d'âcres douleurs qui viennent saisir au cœur le soldat humilié dans ses armes et blessé dans sa dignité.

Les choses étaient-elles pourtant à ce point désespérées? C'est ce que se mirent à examiner plusieurs officiers résolus et prêts à tous les-sacrifices personnels que pouvait exiger l'honneur des armes.

Ils le firent avec l'attention et le soin que comportait cette délicate question.

Mais ils n'avaient pour se guider que les cartes du dépôt de la guerre et les renseignements que fournissait l'état-major général sur l'état des forces de l'ennemi. Or, les cartes du dépôt de la guerre, bien faites d'ailleurs, représentent comme étant couvertes de bois des étendues considérables de terrain qui ont été défrichées depuis plusieurs années. Quant aux renseignements sur les ouvrages défensifs élevés par l'ennemi, ils étaient appuyés de croquis, où étaient figurés avec une exactitude mathématique des batteries, des tranchées et toute ene série d'ouvrages se protégeant les uns les autres en croisant leurs feux en avant des fronts, rendus ainsi inabordables. Le tout était si bien coordonné que ces croquis rappelaient les dessins qui se trouvent dans les livres élémentaires de fortifi-

Cation. Et cependant, en réalité, l'ennemi n'avait d'armés qu'un petit nombre d'ouvrages, les autres n'étaient que des épaulements destinés à protéger, au besoin, les batteries de campagne.

Ils reconnurent que rien de pratique ne pouvait s'obtenir sans l'emploi de tout ce qui restait de forces vives dans l'armée et sans l'accord de toutes les volontés mises en action par une violente secousse morale et guidées par une habile direction.

Ils furent ensuite amenés à admettre que, tous ces points essentiels étant acquis, les résultats à espérer seraient hors de toute proportion avec les sacrifices à imposer aux troupes; car si, d'un côté, on entrevoyait la possibilité de sauver une vingtaine de mille hommes d'infanterie, en les faisant échouer comme une épave aux frontières du Luxembourg, on avait la presque certitude d'en faire tuer, blesser ou prendre tout au moins autant, et d'abandonner le reste de l'armée et la place de Metz à la discrétion absolue de l'ennemi.

Le soin de l'honneur des armes exigeait-il un pareil holocauste? Quelques-uns dans l'armée le crurent, parce que la religion du drapeau le prescrivait; mais la raison et la conscience humaine en repoussaient l'idée.

Le général en chef en jugea ainsi, et il était, cette fois, dans son rôle bien compris, en s'efforçant de maintenir la solidarité de l'infortune entre tous les intérêts engagés dans Metz et autour de Metz.

En agissant autrement, il eût fourni lui-même la formule de la condamnation de tous ses actes .- antérieurs, et c'eût été pour lui ajouter un acte de folie criminelle aux fautes passées que de chercher, en quelque sorte, l'effacement de celles-ci en jetant son armée épuisée dans les hasards d'une lutte qui eût amené sa destruction complète.

La pensée de se soustraire, par une violente rupture des liens hiérarchiques, aux résolutions du commandement a pu être exprimée ; mais l'on ne s'y est arrêté dans l'armée que pour en faire ressortir le danger et tout ce qu'elle comportait de funeste et d'impatricable.

Si indisposé que l'on pût être contre le général en chef, on le sentait placé sous l'égide de la discipline, et l'on comprenait que le moment eût été mal choisi pour lacérer le catéchisme du soldat.

La volonté générale de -conserver la discipline intacte rendit donc irréalisable tout effort à tenter en masse pour briser les lignes prussiennes.

Les manifestations bruyantes qui avaient lieu, quelques jours plus tard, dans les cafés de Metz, étaient l'expression de la souffrance générale; mais elles ne pouvaient avoir aucune action sur la masse de l'armée, alors résignée.

On a écrit qu'à l'armée du Rhin les actes d'indiscipline étaient fréquents et que la tenue y était négligée.

Nous tenons ces assertions pour absolument fausses et comme dénotant, tout à la fois, une

ignorance complète de la vie des camps et une grande malveillance pour l'armée. Des actes d'indiscipline isolés, soit ! Nous accordons qu'il a dû s'en commettre.

Quand 150,000 hommes sont réunis et que toute leur vie se passe sous l'étreinte de la discipline, qui sert à coordonner tous les rapports et à sanctionner tous les devoirs, quoi de surprenant qu'il arrive à certaines natures de chercher à se soustraire à l'entrave?

Contrairement à l'assertion que nous repoussons, nous affirmons que jamais une aussi grande agglomération de troupes n'a été placée dans des conditions plus propres à provoquer le relâchement de la discipline, et qu'aucune n'a aussi bien résisté aux dissolvants physiques et moraux qui s'attachent aux armées malheureuses.

La tenue des officiers et des soldats était celle qui se tolère en campagne, et qu'il était possible d'avoir dans les conditions où l'on se trouvait.

Tous dormaient et se mouvaient dans la boue, sous la pluie, ayant la tristesse dans le cœur et sous les yeux les plus affligeants spectacles.

On reproche leur mauvaise tenue à des malheureux qui fouillaient et refouillaient la terre du matin au soir, ou disséquaient des animaux morts de faim pour assurer leur nourriture.

Ce reproche donnerait à rire, si le sujet était moins lamentable 1

IX

Les commandants de corps d'armée furent invités le 19, par le général en chef, à faire connaître aux troupes les résultats de la mission du général Boyer, rentré de Versailles, la veille, dans la soirée.

Ceux-ci réunirent à cet effet les généraux et les chefs de service de leurs corps respectifs, et leur dirent à peu près ce qui suit : « Le général Boyer avait vu M. de Bismark, qui « lui avait promis de solliciter du roi la réunion du « conseil privé, qui se composait de M. de Moltke, « de lui, M. de Bismark, et e deux autres person« nages.

( M. de Moltke, prenant ensuite la parole, avait « déclaré que, à son avis, l'armée de Metz se troua vant, militairement, dans la même situation que « l'armée de Sedan, ne pouvait prétendre à un-sort

« différent, et qu'elle aurait à se rendre prison« nière de guerre.

« M. Boyer s'était récrié, et avait déclaré que « l'armée de Metz ne souscrirait à aucune condition « humiliante et que, si on l'y contraignait, elle ne « prendrait conseil que de son désespoir.

« M. de Bismark avait ensuite exprimé l'avis « que, quelque analogie qu'il fût possible d'établir « entre la situation des armées de Sedan et de « Metz, au point de vue militaire, il existait pour« tant une grande différence entre les situations, « eu égard au temps écoulé depuis la capitulation « de Sedan et aux intérêts des armes prussiennes « à servir aux deux époques.

« Il avait ajouté que l'armée de Metz pouvait « être appelée à jouer un lôle politique, en aidant « au rétablissement de la paix, résultat désiré, « mais impossible à obtenir dans l'état d'anarchie « où se trouvait la France. Enfin, il aurait donné « à. entendre que tout arrangement dépendait d'un « accord entre l'armée de Metz et l'impératrice « régente.

« Les choses en étaient restées là à Versailles.

« M. Boyer avait recueilli des nouvelles sur sa « route, et il rapportait qu'une armée prussienne « était en marche sur Bourges ; que la république« rouge était proclamée dans les grandes villes « du Midi; que le Gouvernement de la défense na1 tionale n'y était pas reconnu ; qu'à Paris il ne a pouvait tenir devant les factieux, et que ses

« membres s'échappaient en montant dans des « ballons, etc. »

Les commandants de corps d'armée ajoutèrent à ces renseignements leurs observations propres, tendant à démontrer que de grands devoirs étaient imposés à l'armée ; qu'elle devait aider le pays à sortir de la situation critique dans laquelle il était engagé, et que les violences des partis rendaient inextricable; qu'enfin, le général en chef avait résolu de faire partir à nouveau le général Boyer, qui se rendrait auprès de l'impératrice régente., afin de la prier d'entrer de suite en négociations pour la paix, l'armée se chargeant d'assurer la protection des représentants du pays, qui seraient convoqués sur un point déterminé de la France pour sanctionner les engagements souscrits.

Il n'y avait plus, selon eux, que quelques jours de patience à.endurer, et l'armée sortirait très honorablement de la condition actuelle.

Tel est, en résumé, le discours tenu le 19 octobre par les commandants de corps d'armée. M. le général Boyer repartit effectivement.

Allait-il à Versailles, en Angleterre? Ce point était laissé obscur. Il s'éloignait de l'armée, voilà tout ce qui pouvait être précisé.

Celle-ci avait repris un peu de confiance. L'avenir qu'on lui faisait entrevoir produisait une distraction aux idées noires dont chacun avait senti tOqt son être enyalg, et une sorte d'insouciance

maladive remplaçait dans la masse la profonde tristesse qui s'y remarquait les jours précédents.

D'ailleurs, les distributions de vivres, 'dont la cessation avait occasionné de grandes douleurs physiques, venaient d'être reprises. La place de Metz avait vidé, au profit de l'armée, le fond de ses magasins; celle-ci pouvait donc encore subsister pendaatquelques jours, avantage inappréciable dans les circonstances présentes, mais qui avait pour conséquence de lier si intimement le sort de la place et celui de l'armée, qu'en cas de reddition de l'une, l'autre tombait sur l'heure.

L'état général de l'armée, au point de vue matériel et moral, s'était ainsi un peu amélioré dans son ensemble. Quelquès officiers avaient pris au sérieux tout ce qui leur avait été raconté du voyage de M. le général Boyer, et partageaient la confiance qu'on avait cherché à leur inspirer sur les résultats des nouvelles négociations, tant les malheureux sont crédules !

Chacun commentait à sa manière et les dures paroles de M. de Moltke, et les insinuations plus bienveillantes de M. de Bismark, et la réponse de M. le général Boyer, qui traduisait bien le sentiment de tous. Le plus grand nombre comptait sur l'impératrice. On considérait que son adhésion à la politique du général en chef s'imposait à elle comme un double devoir vis-à-vis du pays et visà-vis d'une armée qui ne pouvait attendre que d'elle sa délivrance,

Être délivré était le point essentiel. Quant à ce qui se passerait dès que l'on aurait franchi les lignes prussiennes, on s'en préoccupait peu.

Une partie de l'armée était donc arrivée, sous l'influence des misères et des privations, à l'état de prostration morale et physique où l'on avait tendu à l'amener. De même que le commandant en chef était, six semaines auparavant, en quête de sa voie, elle attendait actuellement un sauveur.

Quant à imposer à la France un gouvernement, quel qu'il fût, c'eût été un rôle auquel la presque totalité de l'armée se fût refusée, et qu'aucun chef n'était de force à exiger d'elle, s'en fût-il soucié.

Tous les esprits, cependant, ne se laissaient pas bercer par ces espérances que le Commandement avait fait naître, et qu'il s'efforçait d'entretenir, sans les partager.

Ils se refusaient à admettre que la situation présente pût se dénouer en quelques jours, au moyen des expédients sur lesquels on semblait compter; et, de fait, dans 1Q délai indiqué par l'état des ressources en vivres, c'est-à-dire en trois fois quarante-huit heures, M. le général Boyer devait se rendre auprès de l'impératrice, arrêter la rédaction d'un traité de paix, en discuter la teneur avec M. de Bismark, y faire apposer la signature des contractants, et, enfin, accourir à Metz avec cette sorte de branche d'olivier à la main.

Cela était-il croyable? Etait-il possible d'admettre que d'aussi grands intérêts pussent être

aussi légèrement traités, et que des actes devant engager deux grandes puissances belligérantes pussent s'accommoder de pareilles formes diplomatiques? Non, cela n'était pas sérieux, et quiconque a voulu se donner la peine de réfléchir ne s'y est pas trompé. On tombe du côté où l'on penche, dit-on. Généralement, dans l'armée, on penchait alors du côté des illusions.

Le commandant en chef, poursuivant ce résuUat, ne pouvait avoir d'autre but que de gagner le temps nécessaire à la consommation des dernières rations de vivres, et de rendre l'attente moins pénible aux troupes : il fallait d'ailleurs parfaire le programme exigé par les règles de la guerre. Mais, si bien qu'il s'y prît pour égarer les imaginations, la réalité ne tarda pas à s'imposer, à nouveau, triste et sombre 1 Il y avait, d'ailleurs, dans l'air de sinistres pronostics.

Le général Boyer avait dû retarder d'un jour son départ de Metz, par suite de formalités à remplir auprès des autorités prussiennes, et l'on disait que son embarquement pour l'Angleterre avait été contrarié, pendant vingt-quatre heures, par l'état de la mer.

Dans la ville de Metz, les esprits étaient en fermentation.

Les journaux, si surveillés qu'ils fussent, traduisaient le mécontentement général. Le commandant en chef n'y était pas ménagé ; sa conduite militaire, ses manœuvres politiques étaient vertement blâ-

mées. Ces journaux, répandus dans les camps, servaient à éclairer les plus aveugles sur la véritable situation de l'armée et sur les causes qui l'avaient amenée.

Mais tous ces cris d'un patriotisme aux abois, ces plaintes amères, ces cuisants regrets, ces violentes apostrophes devaient rester stériles. Ils ne produisirent d'autre effet que d'augmenter les tortures morales de tout un monde d'infortunés qui, accablés par le sentiment de leur faiblesse et de leur impuissance, demeuraient désormais résignés à subir un sort qu'ils savaient n'avoir pas mérité.

x

Cependant le terme des incertitudes approchait.

Le 24, le général en chef était informé, à la fois, par M. le général Boyer et M. de Bismark, que tout espoir d'un arrangement avec l'impératrice régente devait être écarté, par suite du refus formel de l'impératrice de se prêter au rôle qu'on s'était proposé de lui faire jouer.

Au reçu de cette nouvelle, le Maréchal Bazaine fit mander près de lui les commandants des corps d'armée, et leur apprit l'avortement de ses manœuvres et de ses combinaisons politiques.

Le conseil fut mis en demeure de se prononcer, séance tenante, sur le parti à prendre en aussi grave conjoncture.

Le choix des solutions n'était pas très difficile.

La situation de l'armée l'imposait.

Les membres du conseil n'avaient donc que l'emrras d'une formule à trouver et à énoncer. A

l'unanimité des voix, moins une, il fut décidé que l'armée devait capituler.

Pour chercher à adoucir, autant que possible, les rigueurs d'un sort aussi cruel, il fut décidé que l'on s'adresserait à la générosité du prince FrédéricCharles, sur les bonnes dispositions duquel on croyait pouvoir compter, et on imagina de dépêcher vers lui le général Changarnier, illustre vétéran de nos armées, qui impose à tous le respect et l'estime par son grand âge, l'élévation de son caractère et sa valeur militaire.

Il consentit, l'homme de cœur, à faire une démarche qu'aucun autre dans l'armée n'était en situation de faire, et à laquelle ses antécédents guerriers ne l'avaient point préparé.

Il alla au quartier général prussien, y fut reçu avec beaucoup d'égards ; mais il ne put réussir à se faire accréditer comme représentant des intérêts de l'armée, sous prétexte qu'il nJr avait pas exercé de commandement. ;

Le général Changarnier ayant été ainsi éconduit, le général de Cissey fut désigné par le Maréchal Bazaine pour se rendre à son tour auprès du prince Frédéric- Char les, afin de tenter d'obtenir, pour l'armée, les conditions les plus douces possible , en invoquant la valeur déployée, le sang versé, et en faisant ressortir toutes les considérations qui plaident en faveur des troupes qui ont fait bravement leur devoir et que la fortune a abandonnées. Mais il n'a pas paru que le prince se soit laissé beaucoup

toucher par les considérations qui lui furent présentées ; car, le lendemain, le général Jarras, chef d'état-major général de l'armée, se rencontrait avec son collègue prussien pour arrêter les bases et régler

les détails d'exécution de la capitulation la plus dure qui pût être imposée (1).

Nous donnons plus loin le texte de la convention ainsi concertée.

Tenu à l'écart pendant toute la durée de la campagne par le général en chef, qui croyait bon de n'initier à ses manœuvres politiques que les intimes de son entourage particulier, le général Jarras n'avait été tiré de l'inaction à laquelle il avait été intentionnellement réduit que pour dresser l'acte de décès et faire l'inventaire de la succession de l'armée.

Celle-ci se sentait profondément humiliée et blessée; sa douleur s'exhalait en plaintes amères et en accusations sévères contre la conduite du commandant en chef. Des ordres prescrivant la remise des drapeaux des régiments à l'artillerie, sous le prétexte de les faire brûler, vinrent augmenter le nombre des griefs mis à la charge du Maréchal Bazaine. Ni les officiers ni les soldats ne pouvaient admettre qu'on vînt ainsi leur enlever les enseignes sous lesquelles ils avaient combattu, qu'on leur avait

(1) Avant le départ du général Jarras, un nouveau conseil fut tenu ; il réunit l'unanimité des voix pour la capitulation.

appris à honorer, et qu'ils avaient pour devoir 4e défendre nu prix de leur vie. Ils eussent voulu au moins se dout er la triste consolation de les pré- server de toute profanaiion en les détruisant et en s'en partageant les Jambe.IU:^, qu'ils eussent conservés comme de pieuses reliques. Si, dans le troub!e de leurs idées, ils ne comp enaient [ as les motifs de la conduite du général en chef, ils sentaient du moins qu'il n'y avait plus entre eux et lui aucune communauté de sentiments.

Nous renonçons à peindre la physionomie que prirent la ville et les camps lorsqu'on y apprit que la capitulation était signée et quelles en étaient les conditions.

Outre que nous dépasserions les limites du cadre que nous nous sommes a signé, il nous répugne de laisser notre pensée s'arrêter longtemps sur un aussi triste suj' t. Bornons-nous donc à dire que le deuil était grand dans les cœurs et répandu sur tous les visages; que l'immensité du malheur public s'augmentait, pour chacun, des élancements douloureux résultait de l'amour-propre humilié et de la dignité blessée, et que la souffrance générale étai portée à ^on comble.

Dans ces rudes épreuves, la fraternité d'armes vient en aide aux natures les plus faibles. Les liens se resserrent entre les officiers et leurs soldats, et c'est ainsi que, se soutenant les uns les autres, ils purent atteindre sans faiblir, dignes et réiglléa, le moment de la séparation.

LP 28, un ordrpflu général en chpf était adressé aux troupes ; il portant l'annonce o.finelle de la, apitulation Nous aurons à revenir sur ce document, qui constitue une curieuse pvge d'histoire.

Dans .a même journée étaient donnée- les instriie- tions relat. Vie s à la r. mise d s aigles, instructions dont n .u" avons dit précédemment un mot.

D'autre- suivirent, mais « elles-ci devaient clore la série des communications officielles euire l'étatmajor général et l'armée. Ell-s étaient relatives au dépôt des armes et réglaient l'ordre de la funèbre cérémonie qui devait commencer le lendemain, au matin, pour se terminer à la nuit dose.

Pour :-'y conformer', le 29, dès le point du jour, les régiments et les corps faisant unité furent acheminés successivement vers les forts de Metz, et allèrent déposer leurs armes dans des locaux désignés à l'avance.

Ils revinrent ensuite à leurs bivouacs respectifs, où se firent les préparatifs du départ. Enfin, les soldats, munis de leurs sacs et de tous leurs effets, furent mis en routo vers les lignes prussiennes, formées pour les recevoir.

Les instructions indiquaipnt le nombre des officiers qui, par régiment et par corps, devaient accompagner les troupes et en faire la remise aux généraux prussiens. Il n'en fut point tenu compte.

Les chefs de corps et le* officiers se firent tous un devoir de demeurer avec leurs soldats aussi long-

temps qu'ils le pourraient, et de leur faire la conduite comme à des amis dont on a le chagrin de se séparer.

De fait, les colonels, marchant à la tête de leurs régiments, et chaque officier à son rang, les conduisirent dans le meilleur ordre au camp ennemi.

Là, commencèrent des scènes émouvantes qui hono" rent à la fois le chef et le soldat, et qui impressionnèrent vivement les Prussiens. Ces adieux furent déchirants. L'heure venue, on se quitta les larmes aux yeux, mais la conscience tranquille, et en emportant, de part et d'autre, la satisfaction que donne le devoir loyalement accompli.

XI

Le moment est venu pour nous de nous résumer.

Il ressort de ce que nous avons exposé : Que le Maréchal Bazaine est demeuré au dessous 1 de sa tâche militaire, et, que, pénétré du sentiment de son impuissance, il s'est dérobé à ses devoirs envers le pays et à ses obligations envers l'armée dont il avait le commandement, en désertant la lutte en rase campagne et en abandonnant le sort de ses troupes aux hasards d'événements dont la marche et l'issue étaient problématiques et qui s'accomplissaient loin d'elles ; Que, s'apercevant trop tard de la fausseté de ses calculs, il a demandé à la politique les voies et les moyens de se tirer du mauvais pas où il s'était imprudemment engagé ; Et qu'enfin, tout entier aux intrigues, préoccupé à la fois et de les faire aboutir et du soin de les

dissimuler à son armée, il a laissé constamment celle-ci dans l'ignorance de sa véritable situation, et l'a conduite à sa perte, déjà consommée avant qu'elle n'eût conscience de son état.

La responsabilité de ce fatal dénoûment remonte tout entière au général en chef, et, quelques efforts qu'il puisse faire pour en alléger le poids et le faire paitager aux commandants de corps d'armée, qu'il réunissait en conseil sous sa prf sidence, il ne réussira jamais à s'y soustraire.

Ceux-ci ne sauraient davantage s'exouérer des torts graves qu ils ont eus vis-à-vis de l'armée.

Voici leurs noms : Le maréchal Canrebert, Le maréchal Le Bœuf, Le général Frossard, Le général de Ladmirault, Le général Desvaux, Le général Soleille, Le général de Coffinières.

Nous serions très embarras-é de déterminer la part de responsabilité à attribuer équitablement à chacun d'eux, mais nous pensons qu'elle doit se déduire des situations particulières et des caractères.

Le marêchal Canrobert est celui de tous qui a fait le pius uétaut à 1 armée, parce qu'on croyait pouvoir lui demander plus qu'aux autres. Sa situation vis-à-vis du commandant en chef était très

délicate; îl donnait un grand exemple de dévouement et d'abnégation, renouvelé de sa conduite en Crimée, en se subordonnant à un collègue qu'il avait primé pendant toute la durée de sa carrière par la supériorité du grade, l'éclat des positions et des services, et qu'il avait devancé d'une dizaine d'années dans l'obtention du maréchalat.

Il était entouré du prestige d'un nom respecté du monde entier, et jouissait dani l'armée française de l'estime générale Mais sa faiblesse de caractère et son indécision, son trop grand effacement dans les conseils, lui sont généralement reprochés. La responsabilité qu'il a encourue atteint, mais à un moindre deg-ré, lt s autres membres du conseil qui, cumme lui, ont cédé soit par faibesse, soit par imprévoyance, sous L'ubsession peut-être de considérations étrangères au devoir militaire bien compris, à des suggestions mauvaises, et ont ainsi aidé aux manœuv. es du général en ch jf.

Nous faisons toutefois une réserve concernant le général Desvaux, qui n'a figuré dans le conseil que comme intérimaire et seulement alors que les affaires étaient déjà très embrouillées; c'est lui, d'ailleurs, qui a demandé dans le conseil tenu le 24 octobre qu'on tentât un dernier ufîort pour sauver l'honneur des armes.

XII

L'ordre du jour par lequel le Maréchal Bazaine annonce à son armée qu'elle doit subir les lois de la guerre, et lui fait ses adieux, mérite d'être lu avec attention. Cet important document trahit chez son auteur un grand trouble de conscience et une grande confusion dans les idées.

Le trouble de conscience est manifeste, lorsque le Maréchal dit qu'il a fait loyalement tout ce qu'il était possible de faire pour éviter la triste fin.

N'est-il pas surprenant, en effet, qu'un général en chef qui doit veiller à la sauvegarde de tant d'intérêts, qui dispose de tant de forces physiques et morales, d'une puissance aussi grande, en soit réduit quand tout est perdu, à vous dire : « Je vous ai ruinés, j'en conviens, mais j'ai été loyal. »

C'est de ce côté, pensera-t-on tout naturellement, qu'il se sentait faible.

Ce trouble ressort encore du passage où il est dit qu'un suprême effort n'eût abouti qu'à un sacrifice inutile ; car, évidemment, chacun se dira : « Ce n'est pas pour n'avoir pas tenté un suprême effort que vous vous sentez fautif; vous savez bien que ce que l'on vous reprochera surtout, c'est de n'en avoir fait aucun en temps voulu, alors que la réussite était possible et que le devoir exigeait qu'il fût tenté. »

On se demandera aussi quelle était la nécessité de l'appel fait à la discipline. Cette discipline, qui a servi, pendant toute la campagne, de point d'appui aux manœuvres du général en chef, n'intervient-elle que pour aider à de nouveaux expédients politiques ?

Dans l'intérêt que l'on porte aux armes et aux bras à conserver, comme dans celui que l'on a porté aux aigles, ne voit-on pas percer un vague pressentiment de prochaine résurrection, en vue de nouvelles parties aventureuses à jouer ?

Mais ce qui ressort incontestablement, c'est la confusion des idées qui s'accuse par la comparaison de situations, de temps et de lieux qui n'ont entre eux ni parité ni analogie.

Le rapprochement des noms qui figurent sur le document est surtout fâcheux pour celui du général en chef.

Un événement aussi désastreux que la capitula- tion de la place et de l'armée de Metz est sans

précédent aucun dans l'histoire des hatîbn* modernes, et il faut remonier le cours de dix-neuf siècles, jusqu'au resserrement et à !a défaiie de l'armpe gauloise sous Alinj, pour trouver la trace d'un tait historiqu • q-ii puisse iui être comparé; ma s el,c(,re la comparaison e t elle tout à l'avantage de nos aïeux et -le 1-ur chef. 11, s'étaient montrés ha^Hs, enti éprenants et i ed( utable, jusqu'à la dernière heure, et quand celle-ci sonna, Vercingt-torix é;ait encore à cheval et revêiu de son armure.

Il al a trouver César pour implorer sa clémence en faveur de ses compagnons d'armes.

Pour lui-même il ne stipula rien. Il savait le sort qui lui était ré ervé : être conduit à ROllle pour y suivre le char du vainqueur, et puis mourir.

Les temps sont bien changés. De nos jours, le général en chef, fatigué de mener son armée aux champs, se retire de la lutte, se repose pendant deux ou tro.s mois, temps nécessaire à la consommation des approvisionnements de vivres ; puis, à jour fixe, tait appointement avec l'ennemi ; il lui livre par contrat une grande place avec forts et châteaux, un grand arsenal de guerre, 150,000 hommes d'excellentes troupes ; il se débarra>se ainsi d'un lourd fardeau que le vulgaire appelle le devoir et l'honneur militaires, et, avec lui, de ce lest encombrant, fruit de l'épargne ^accumulée du pays.

Et, quand rien ne le retient plu", il fait de courts adieux à ses amis et à ses familiers, leur dit : « Au revoirl dans un mois à Paris, monte eu voiiure, ail gre et dispos, se rend en visite à Frescaty et s'en va, de là, dîner en famille au château voisin.

XIII

Nous avons surabondamment établi que de grandes fautes ont été commises à l'armée du Rhin.

Ailleurs il s'est passé des faits tout aussi regrettables, et dont les conséquences ont été des plus funestes pour le pays.

Il semblerait superflu de rappeler que la préparation de la guerre a été poursuivie avec une très grande imprévoyance, et que les personnes qui avaient, par devoir et par position, la tâche d'y pourvoir, n'ont pas su s'affranchir de la présomption et de la légèreté inhérentes à l'esprit français.

Les grandes places de guerre n'étaient point suffisamment armées et approvisionnées ; les forts et les ouvrages avancés que l'on avait jugé nécessaire de construire, pour préserver ce places d'un bombardement, n'étaient qu&-.traüé Sur le terrain.

Les troupes ont été fractionnées par petits corps

et portées précipitamment sur la frontière, avant que les réserves en hommes, en vivres et munitions n'aient été réunies sur la grande base stratégique naturellement indiquée par le chemin de fer de Paris à Strasbourg, qui forme comme la corde de l'arc que dessinent nos frontières de l'Est et du Nord-Est.

Les corps d'armée, aventurés comme des brigades de douaniers, n'avaient ainsi que le vide derrière eux. Au surplus, leur organisation n'était pas.complètement achevée ; chaque jour ils se complétaient en personnel et matériel de toute espèce, - qui leur étaient expédiés à la hâte. -

C'est dans cette situation qu'ils ont eu à supporter le choc d'un ennemi trois et quatre fois supérieur en nombre.

De grands revers, que l'héroïsme des soldats n'a pu conjurer, ont été la conséquence immédiate de ces mauvaises dispositions et de plans peut-être habilement conçus, mais qui ont manqué par la base et dans les détails de l'exécution.

Mais, si mal qu'on s'y soit pris au début de la campagne, et si coupables que puissent paraître les chefs de l'armée chargés des préparatifs et de la conduite de la guerre, il serait injuste de faire peser sur eux l'entière responsabilité des malheurs qui ont accablé le pays.

Les causes principales de nos désastres peuvent, en effet, être recherchées tout aussi bien au dehors qu'au dedans de l'armée.

Le moment n'est point encore venu de les étudier pour en tirer les enseignements qu'elles comportent ; qu'il nous suffise donc d'énoncer que l'ksue d'un choc violent entre la France et l'Allemagne était fatalement en gern:e -dclns les institutions sociales, distinctes pour les belligérants, dans la rela-

tion des forces à s'opposer et dans la puissance des moyens d'acâon tenus en réserve de part et d'autre.

L'Allemagne, toute enrégimentée, toute disciplinée, toute armée, avec ses 1,200,000 combattants déjà rangés en bataille, soldats d'une valeur contestable sans doute, mais habilement maniés ; l'Allemagne, disons-nous, n'avait qu'à étendre ses grands bras pour étreindre nos 250,000 soldats et les écraser de son poids.

LaFranee s'est jetée précipitamment et en aveugle au devant du danger dont elle n'a compris l'importance et la grandeur que lorsque ses armées ont été anéanties.

Frappée de stupeur et comme paralysée par de si grandes infortunes, il lui fallut quelques jours pour se remettre de tant de cruelles secousses; puis, faisant appel à toute son énergie et à toutes ses nobles facultés, elle s'est mise à réagir contre l'adversité, de toute l'ardeur du généreux sang de ses enfants.

Elle donne actuellement au monde étonné le grand spectacle d'une nation européenne qui, sans armée régulière, affirme, au prix des plus grands sacrifices et au milieu des plus cruelles épreuves,

sa résolution de faire respecter son sol et de ne pllint laisser porter atteinte à son honneur et à sa dignité.

Quelles que soient les conditions de paix qu'il lui faille accepter, elle ne sortira pas de la lutte amoindrie aux yeux du monde, et si eile pa vient à se préserver des déchirements politiques et à se constituer, à court tlélai, un gouvernement de son choix, la richesse de son sol et le génie industrieux de sa population la replacerait, dans peu d'années, au rang qui lui appartient.

On semble croire en France, et l'opinion s'accrédite en Allemagne. que l'empereur Napoléon ne serait pas éloigué de tenter la restauration de son pouvoir déchu, et que les débris de l'armée régulière éparpillée en Allemagne pourraient, à l'occasion, être lenns à sa disposition jour seconder l'exécut.on de ses desseins.

Nous doutons que des combinaisons de cette nature.soient de la conception de l'empereur; m-us, comme il serait très possible qu'elles aient pris naissance autour de lui, nous croyons mile de faire pressemir à l'empereur qu'il se ménagerait de grdnds mécomptes s'il se laissait persuader que les officiers et 1 s soldats de l'armée de Metz pussent être amenés à reprendre les enseignes, désormais sans prestige, qui leur ont été subrepticement enlevées, et à venir se ranger à nouveau, docilement, encore tout meurtris de leur chute, sous des chefs qui n'ont plus leur confiance et auxquels ils

croient pouvoir attribuer la plus grande part des humiliations et des malheurs dont ils ont été accablés.

Quand ils rentreront en France, ces infortunés, ils ne se croiront pas en situation de se présenter comme des sauveurs et de s'arroger des droits à une mission spéciale.

Ils se tiendront, tout simplement, à la disposition du Gouvernement que le pays se sera donné, avec la ferme intention de le bien servir et d'acquitter leur dette de patriotisme dont ils ont été, bien malgré eux, contraints de suspendre le paiement.

Rendus prudents par une expérience chèrement acquise, ils ne souffriront pas que des personnalités ambitieuses et égoïstes, quelque masque qu'elles prennent, viennent par leurs agissements captieux troubler leur conscience, pour les distraire de leurs devoirs.

Si, cependant, il s'en trouvait quelques-uns, - ils sont si nombreux, qui fussent assez faibles ou aveugles pour se laisser égarer, il faudrait estimer qu'ils sont à plaindre, mais qu'aussi la condi- tion qu'ils ont subie était bien faite pour eux.

»

PROTOCOLE

M LA. CAPITULATION DE METZ

EntreIfls soussignés, le chef d'état-major général de l'armée française sous Metz, et le chef de l'état-major de l'armée prussienne devant Metz, tous deux munis des pleins pouvoirs de Son Exc. le Maréchal Bazaiite, commandant en chef, et du général en chef Son Altesse Royale leprince FrédéricCharles de Prusse,

La convention suivante a été conclue : Art. 1er. L'armée française, placée sous les ordres du maréchal Bazaine, est prisonnière de guerre.

Art. 2. - La forteresse et la ville de Metz avec tousses forts, le matériel de guerre, les approvi-

sionnements de toute espèce et tout ce qui est propriété de l'Etat, seront rendus à l'armée prussienne dans l'état où tout cela se trouve au moment de la signalure de cette convention.

Samedi, 29 octobre, à midi, les forts de SaintQuentin, Plappeville, Saint-Julien, Queuleu et Saint-Privât, ainsi que la porte Mazelle (route de Strasbourg) seront remis aux troupes prussiennes.

A dix heures du matin de ce même jôur, des officiers d'artillerie et du génie, avec quelques sousofficiers, seront admis dans lesdits forts, pour occuper les magasins à poudre et pour éventer les mines.

Art. 3. Les armes, ainsi que tout le matériel de l'armée, consistant en drapeaux, aigles, canons, mitrailleuses, chevaux, caisses de guerre, équipages de l'armée, munitions, etc., seront laissés à Metz et dans les forts à des commissions militaires instituées par M. le maréchal Bazaine, pour être remis immédiatement à des commissaires prussiens.

Les troupes sans armes seront conduites, rangées d'après leurs régiments ou corps, et en ordre militaire, aux lieux qui sont indiqués pour chaque corps.

Les officiers rentreront alors, librement, dans l'intérieur du camp retranché, ou à Metz, sous la condition de s'engager sùt l'honneur à ne pas

quitter la place sans l'ordre du commandant prussien.

Les troupes seront alors conduites par leurs sous-officiers aux emplacements de bivouacs. Les soldats conserveront leurs sacs, leurs effets et les objets de campement (tentes, couvertures, marmites, eid.).

Art. 4. Tous les généraux et officiers, ainsi que les employés militaires ayant rang d'officiers, qui engageront leur parole, d'honneur par écrit de ne pas porter les armes contre l'Allemagne, et de n'agir d'aucune autre manière contre ses intérêts jusqu'à la fin de la guerre actuelie, ne seront pas faits prisonniers de guerre; les officiers et em ployés qui accepteront cette condition conserveront leurs armes et les objets qui leur appartiennent personnellement.

Pour reconnaître le courage dont ont fait preuve pendant la durée de la campagne les troupes de l'armée et de la garnison, il est en outre permis aux officiers qui opteront pour la captivité d'emporter avec eux leurs épées ou sabres, ainsi que tout ce qui leur appartient personnellement.

Art. 5. Les médecins militaires, sans exception, resteront en arrière pour prendre soin des blessés; ils seront traités d'après la convention de Genève ; il en sera de même du personnel des hôpitaux.

Art. 6. Des questions de détail concernant

principalement les intérêts de la ville sont traitées dans un appendice ci-annexé, qui aura la même valeur que le présent protocole.

Art. 7. Tout article qui pourra présenter des doutes sera toujours interprété en faveur de l'armée française.

Fait au château de Frescaty, le 27 octobre 1870.

Signé : L. JARRAS. STIEHLE.

ORDRE GÉNÉRAL

No 12

A L'ARMÉE DU RHIN

Vaincus par la famine, nous sommes contraints de subir les lois de la guerre en nous constituant prisonniers. A diverses époques de notre histoire militaire, de braves troupes, commandées par Masséna, Kléber, Gouvion Saint-Cyr, ont éprouvé le même sort qui n'entache en rien l'honneur militaire , quand, comme vous, on a aussi glorieusement accompli son devoir jusqu'à l'extrême limite humaine.

Tout ce qui était loyalement possible. de faire pour éviter cette fin a été tenté et n'a pu aboutir.

Quant à renouveler un suprême effort pour briser les lignes fortifiées de l'ennemi, malgré votre

vaillance et le sacrifice de milliers d'existences, qui peuvent encore être utiies à la Patrie, il eût été infructueux, par suite de l'armement et des forces écrasantes qui gardent et appuient ces lignes : un désastre en eût été la conséquence.

Soyons dignes dans l'adversité, respectons les conventions honorables qui ont été stipulées, si nous voulons être respectés comme roud le méritons. Évitons surtout, pour la réputation de cette armée, les actes d'indiscipline, comme la destruction d'armes et de matériel, puisque, d'après les usages militaires, place et armement devront faire retour à la France lorsque la paix sera signée.

En quittant le commandement, je tiens à exprimer aux généraux, ofticiers et soldats, toute ma reconnaissance pour leur loyal concours, leur brillante valeur dans les combats, leur résignation dans l"s privations, et c'est le cœur brisé que je me sépare de vous.. r

Le maréchal de France, comr^ândant en, dAeX {- -. -¡-1':;':'

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FIN.

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